L’importance de prendre soin de soi

Par Aldis Brennan, Croix-Rouge canadienne
 
« Comment prenez-vous soin de vous? », demande Lisa Evanoff sur Zoom à un groupe d’élèves d’Inuvik, une communauté majoritairement autochtone des Territoires du Nord-Ouest. La question est plutôt simple, mais la réponse n’est pas si évidente pour tout le monde.
 
Sans surprise, la pandémie de COVID-19 a fait augmenter le niveau de stress de façon généralisée. Certains craignent de tomber malades, de perdre un être cher, d’être mis à pied ou de ne plus être en mesure de reprendre une vie normale. Et ces enjeux se font particulièrement ressentir chez les personnes qui éprouvaient déjà des difficultés avant le début de la pandémie. Heureusement, il existe des techniques simples qui peuvent vous aider à mieux composer avec ce type de stress. Lisa les enseigne dans le cadre du programme de premiers secours psychologiques, offert notamment par le Service d’assistance de la Croix-Rouge destiné aux dirigeants des communautés autochtones.  
 
« Les premiers secours psychologiques visent à apporter du calme et du réconfort à une personne qui vit une situation de crise, un deuil ou tout autre type de traumatisme », explique Lisa, qui travaille à l’élaboration des formations et ressources de la Croix-Rouge canadienne. « Les gens vivent beaucoup de stress en ce moment. Les séances de formation à distance, pour leur apprendre à prendre soin de soi et à gérer le stress au quotidien, s’avèrent un outil très efficace. »
 
Les participants à l’atelier d’Inuvik sont d’accord. Dans cette ville éloignée (même selon les standards de la vie nordique), les traumatismes du passé se mêlent souvent aux enjeux du présent. Il n’est pas rare d’avoir perdu un être cher en raison du suicide.

« Les problèmes d’estime de soi et de dépression sont fréquents », explique Paden Gordon-Ruben, qui a participé à l’atelier. « Les programmes comme celui-ci sont très utiles pour les personnes qui en ont beaucoup sur les épaules et qui ne savent pas vers qui se tourner ou comment résoudre leurs problèmes. »
 
Ce programme de formation n’est pas nouveau. Depuis longtemps, la Croix-Rouge canadienne est présente dans les communautés autochtones et établit des liens avec elles pour être en mesure de mener ces conversations difficiles. Mais en raison des restrictions imposées par la pandémie, nous avons dû adapter notre mode de formation, et les élèves d’Inuvik ont été les premiers à bénéficier du cours virtuel. Avant l’atelier, Deserine Grimes, conseillère pédagogique pour le programme éducatif Sunchild auquel sont inscrits les participants, était plutôt inquiète des répercussions qu’aurait la formation sur les étudiants.
 
« Au départ, nous craignions que l’atelier entraîne des effets négatifs pour quelques participants. Certains ont vécu des expériences traumatisantes ou connaissent des gens qui sont dans cette situation ou qui subissent un important stress, et la formation risquait de raviver des souvenirs difficiles... mais grâce à la façon dont l’atelier est conçu et offert, personne n’a ressenti le besoin de demander de l’aide supplémentaire à la fin de la séance. »
 
Lisa et sa co-animatrice, Dana Mackie, font partie d’une équipe qui a offert une dizaine de formations aux communautés autochtones de partout au pays, et de nouvelles séances sont à venir. Elles sont conscientes que pour arriver à avoir des conversations difficiles mais essentielles avec les membres des communautés, le lien de confiance est primordial. Cette démarche prend naissance bien avant le début de la formation, par le repérage de ressources communautaires et de services spécialisés, afin que les participants sachent vers qui se tourner s’ils ont besoin d’aide supplémentaire.
 
« Nous avons fait appel à deux conseillers du collège [par l’entremise de la Société régionale inuvialuite] au début de notre séance virtuelle, puis nous avons discuté avec les participants pour savoir ce dont ils auraient besoin pour créer un espace sécuritaire durant les quatre jours de notre formation », explique Lisa.
 groupe de soutien virtuel
Ce sont souvent les petits détails qui comptent le plus, comme la possibilité de fermer la caméra ou de prendre du temps pour écouter seulement, sans devoir participer. C’est ce qui a permis à Bonnie Jacobson, qui est de nature plutôt timide, de se sentir assez à l’aise pour partager ses émotions pendant l’atelier.
 
« Ils ont écouté ce qu’on avait à dire. Ils nous ont donné l’occasion d’être nous-mêmes, tout simplement. J’ai beaucoup apprécié. J’ai appris plein de choses, comme des moyens de mieux gérer la situation qu’on vit présentement et les défis de la vie quotidienne. »
 
Et c’est là l’objectif principal du programme, aider les participants à cibler et à renforcer les compétences qu’ils possèdent déjà pour mieux prendre soin de soi et des autres.
 
« Le contenu de l’atelier et notre façon de le présenter sont plutôt simples », précise Dana, coordonnatrice de la formation pour les régions nordiques à la Croix-Rouge canadienne. « Les participants peuvent assimiler facilement les notions et se reconnaissent dans ce qu’on aborde. Ce sont des principes que beaucoup de gens connaissent déjà, mais on la décompose en étapes claires : Observer, Écouter, Accompagner et Vivre. Il s’agit de quatre mots simples à retenir, qui sont des principes essentiels à suivre quand vient le temps d’aider une autre personne. C’est une démarche vraiment efficace. »
 
Et depuis l’atelier, que font les participants pour prendre soin d’eux-mêmes? Paden Gordon-Ruben apprend le piano et découvre comment juxtaposer différents sons pour créer des effets musicaux uniques. Bonnie Jacobson a vécu beaucoup de choses récemment, mais trouve du temps pour soi. Elle finira son secondaire en juin et s’emploie déjà à déposer ses demandes d’admission collégiales, pour éventuellement lancer sa propre entreprise dans la communauté. Aujourd’hui, lorsque Petra Kowikchuk, une jeune mère, se sent dépassée par les événements, elle se concentre sur trois pensées positives qui l’aident à prendre la vie du bon côté. Et si cette méthode ne fonctionne pas, c’est généralement un bon bain chaud qui réussira à la détendre. Elle a également inscrit sur son sac d’école quelques techniques à garder sous la main pour savoir réagir lorsqu’elle ou une personne de son entourage en a besoin.
 
« L’autre jour, une amie est venue me voir et elle passait une mauvaise journée, raconte Petra. Je pensais qu’elle était fâchée contre moi, mais je me suis aperçue que sa colère n’était pas dirigée vers moi. Nous avons parlé de comment elle se sentait, et je lui ai rappelé que ça arrive à tout le monde de vivre des journées difficiles, mais qu’il ne faut pas lâcher, que les choses vont s’améliorer. »
 
L’expérience qu’a vécue Petra démontre que cette formation n’apprend pas seulement aux participants à prendre soin de soi. Elle les aide aussi à reconnaître lorsque d’autres personnes vivent un moment difficile et à les conseiller. La croissance personnelle contribue ainsi à la guérison collective.
 
« Maintenant, j’investis davantage de temps et de réflexion envers mon bien-être, admet Paden. Je pense à des façons de prendre des nouvelles de mes proches, de m’assurer que ma famille et mes amis vont bien. Je suis vraiment plus empathique par rapport à la santé et au bien-être des autres. »


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