Par Aldis Brennan
À la fin du mois d’août 2019, des perturbations météorologiques au-dessus de l’océan Atlantique provoquent la tempête tropicale Dorian et menacent les Bahamas. Le 1er septembre, lorsqu’elle touche terre aux iles Abaco, la tempête est devenue un ouragan de catégorie 5 et s’accompagne de pointes de vents pouvant atteindre 295 km/h. Les conséquences sont catastrophiques : au moins 70 personnes perdent la vie et près de la moitié des maisons des iles Abaco et de Grand Bahama sont gravement endommagées ou détruites.
Avec quelque 70 000 personnes à la rue en raison de la tempête, la nécessité d’aménager des solutions d’hébergement temporaires était pressante. Quand Laxman Chhetry, conseiller principal, Abris et constructions de la Croix-Rouge canadienne, est arrivé aux Bahamas, il s’est d’abord attelé à la réparation des dommages causés aux bureaux de la Croix-Rouge des Bahamas. Mais ses priorités ont changé quand il a visité l’ile de Grand Bahama.
Des propriétaires aux Bahamas travaillent à la réparation de leur toit, avec l'aide de la Croix-Rouge, après le passage de l'ouragan Dorian.
« J’ai constaté que des entrepreneurs étaient presque toujours sollicités pour effectuer les travaux de réparation et je me suis dit qu’on allait dans la mauvaise direction, explique Laxman. Chaque ménage avait droit à un montant d’argent donné et versait en moyenne de 20 à 30 % de ce montant à leur entrepreneur. Les familles avaient donc moins d’argent dans leurs poches. »
En voyant cela, Laxman n’a pu s’empêcher de s’impliquer. D’expérience, il savait qu’il fallait privilégier une approche différente pour redonner un plus grand contrôle aux propriétaires et leur verser une compensation basée sur l’ampleur des travaux à faire.
« Le plus grand désavantage de travailler avec des entrepreneurs, c’est que les ménages n’ont pas leur mot à dire sur la façon dont leur maison sera reconstruite, explique Laxman. La méthode de rénovations par les propriétaires permet à ceux-ci de faire les travaux par eux-mêmes. Ils peuvent ainsi utiliser des matériaux récupérés ou qui conviennent mieux à leur budget. »
Laxman a découvert cette méthode lorsqu’il a pris part au processus de reconstruction au Népal, dans la foulée du tremblement de terre de 2015. Certes, il était essentiel de former adéquatement les propriétaires pour les doter de compétences en construction, mais plusieurs d’entre eux avaient déjà suffisamment de connaissances pour se mettre au travail.
« Nous avons réalisé que beaucoup de gens avaient déjà des connaissances de base en menuiserie, et comme les maisons étaient pour la plupart faites de bois, peu de travaux de maçonnerie étaient nécessaires. Ainsi, soit les gens possédaient les compétences nécessaires pour effectuer les réparations, soit ils connaissaient quelqu’un qui pouvait les aider. »
Comme les propriétaires voulaient réintégrer leur domicile le plus tôt possible, il va de soi que les travaux de réparation ou de reconstruction ont été terminés beaucoup plus rapidement. Plusieurs d’entre eux ont rapporté que de faire les travaux eux-mêmes leur avait procuré un grand sentiment de responsabilisation et d’appropriation. Cela dit, ils n’étaient pas laissés à eux-mêmes, car des membres du personnel de la Croix-Rouge leur rendaient régulièrement visite pour veiller à ce que les travaux soient sécuritaires et conformes au code de la construction en vigueur.
« Cette approche permet aussi de diminuer les frais généraux, affirme Laxman. Grâce aux économies réalisées, nous avons pu offrir des subventions à 70 ménages supplémentaires et aider 13 familles à rendre leur maison accessible aux personnes vivant avec une limitation fonctionnelle. »
Lorsque la COVID-19 a commencé à se propager aux Bahamas, les propriétaires ont pu poursuivre leurs travaux, car ils ne comptaient pas sur un soutien externe. Au bout du compte, grâce à leur travail acharné et au soutien de la Croix-Rouge, 570 familles en situation de vulnérabilité dont la maison s’était trouvée sur la trajectoire de l’ouragan ont à nouveau un toit au-dessus de leur tête.
« Tout cela, c’est grâce aux économies réalisées sur les frais généraux et à l’aménagement rapide de solutions d’hébergement temporaires, se réjouit Laxman. Quand on demande aux gens ce qu’a signifié pour eux de pouvoir reconstruire leur propre maison, on sent toute leur reconnaissance. C’est vraiment touchant. »
À ce jour, un grand nombre de personnes dont la maison a été détruite par l’ouragan Dorian ont été en mesure de reconstruire leur demeure, et leur vie est plus ou moins revenue à la normale. Mais chaque année, dans les Caraïbes, à l’approche des chauds mois d’été, une inquiétude, quoique diffuse, est palpable. Celle-ci se mêle aux vents lourds d’humidité provenant de l’Atlantique qui s’élèvent dans la basse atmosphère, où l’eau qu’ils contiennent refroidit, se condense et se transforme en de puissantes tempêtes qui, si les vents sont assez puissants, deviennent des ouragans.
Mais cela ne signifie pas nécessairement que le cycle de destruction et de reconstruction est inévitable. On peut reconstruire des maisons plus solides pour résister aux forces de la nature. On peut faire du travail de prévention pour informer les communautés des répercussions des catastrophes naturelles. On peut mettre en place des mécanismes de financement innovants, comme le mécanisme Action basée sur les prévisions de la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (Fédération internationale) pour aider les Sociétés nationales à agir avant qu’une catastrophe ne se produise. Finalement, on peut doter les propriétaires de connaissances et de l’assurance nécessaire pour reconstruire leur demeure.
Apprenez-en davantage sur
le mécanisme Action basée sur les prévisions de la Fédération internationale.
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