Le lien entre le corps et l’esprit : le soutien en santé mentale en Ukraine

Le lundi est toujours la journée la plus occupée pour l’équipe de spécialistes en psychologie du Centre hospitalier de Lviv, dans l’ouest de l’Ukraine, où sont offerts des soins d’urgence et des soins intensifs. Pendant quelques heures, nous accompagnons l’équipe que dirige le Dr Oleh Berezyuk, psychiatre, au sein des différents services de l’hôpital (réadaptation, soins intensifs, chirurgie et médecine interne). Au cours de la journée, les membres de l’équipe rencontrent des patientes et patients récemment admis et font des suivis auprès de ceux et celles déjà pris en charge. Fait cocasse : Oleh prend toujours les escaliers, et notre équipe le suit alors qu’il monte et descend les neuf étages de l’hôpital!
 
Le docteur Oleh Berezyuk discute avec des patients, tout en souriant, une feuille de papier dans sa main gaucheOleh et son équipe profitent des visites auprès des patientes et patients pour suivre leurs progrès, cerner les besoins des personnes nouvellement admises et échanger de l’information sur leurs dossiers. Chaque semaine, des personnes évacuées arrivent par train à l’hôpital en quête de soins. Un grand nombre d’entre elles sont originaires de communautés de l’est du pays, où les hostilités continuent d’avoir des effets dévastateurs sur la population.
 
L’équipe débute sa tournée en visitant une jeune femme dans la trentaine qui a subi un traumatisme cérébral lors d’un bombardement à Kyiv. Elle n’a pas de souvenir exact de ce qui lui est arrivé. Oleh et une thérapeute de son équipe observent les progrès de la jeune femme alors qu’elle effectue des exercices de réadaptation fonctionnelle. Elle explique que ce programme de réadaptation est le meilleur qu’elle connaît. Pourtant, elle en a essayé quelques-uns avant son arrivée à Lviv. Elle n’est là que depuis quelques jours, mais l’équipe continuera de l’accompagner au fil de son parcours en lui offrant un soutien en psychothérapie au besoin.
 
Oleh a déployé beaucoup d’énergie pour intégrer son équipe de spécialistes en psychologie aux soins habituels prodigués aux patientes et patients de l’hôpital. Les personnes hospitalisées que rencontre l’équipe (aussi bien des personnes civiles que des anciens combattants) ont subi des blessures importantes à cause du conflit armé international. La réadaptation fonctionnelle n’est qu’une partie de leur processus de guérison; prendre soin de leur santé mentale sera tout aussi important.
 
Au moment où le conflit armé entre la Russie et l’Ukraine s’est aggravé en février 2022, l’équipe comptait deux personnes spécialisées en psychologie, une à temps plein et l’autre à temps partiel. Constatant l’importance des services en santé mentale pour les personnes ayant subi des blessures en raison du conflit, Oleh a demandé plus de financement pour son programme. En réponse à ces besoins, la Croix-Rouge canadienne a offert un financement permettant d’engager jusqu’à dix psychothérapeutes.
 
Une femme de dos fait des étirements sur un équipement médicalEn accompagnant Oleh à travers l’hôpital, nous faisons la rencontre de patients et de patientes d’horizons variés, comme cette famille de trois personnes provenant de la ville de Bakhmout. Toutes les trois ont été blessées en novembre dernier lorsque des tirs d’artillerie ont traversé leur appartement. La mère et le père partagent une chambre alors que leur fille de deux ans et demi se trouve à l’hôpital pour enfants situé à proximité. La petite n’a plus de sensations dans les jambes.
 
Nous rencontrons de nombreuses personnes avec des os fracturés, dont les membres sont maintenus par des appareils de fixation externes. Si certaines personnes ont la chance d’être entourées de leur famille, d’autres n’ont pas été capables de joindre leurs proches, ou ces derniers étaient incapables de se déplacer vers l’hôpital. La travailleuse sociale de l’équipe participe également aux visites; elle intervient pour offrir du soutien lorsqu’un patient ou une patiente n’arrive pas à joindre sa famille ou à trouver ses documents.
 
Oleh précise que tous les patients et patientes que son équipe rencontre souffrent à divers degrés d’un trouble de stress post-traumatique. Pour certaines personnes, un tel trouble se manifeste par de l’anxiété ou une dépression, tandis que d’autres sont aux prises avec des souvenirs vifs et des cauchemars. Les symptômes du trouble de stress post-traumatique apparaissent souvent par vagues, c’est-à-dire que les personnes qui en souffrent peuvent connaître en alternance quelques bonnes journées suivies d’une période plus difficile.    
 
Lors de ces visites, l’équipe prend également des nouvelles des proches des patientes et patients qui ont la chance de les avoir à leurs côtés. Nous avons rencontré un homme provenant de la ville de Kramatorsk, hospitalisé depuis le début de janvier pour un traumatisme cérébral. Sa femme reste près de lui dans sa chambre partagée. Elle ne présente pas de blessures physiques, mais en lui posant quelques questions, Oleh se rend compte qu’elle n’arrive pas à dormir. Il lui suggère de rencontrer un psychothérapeute au centre de consultation externe, que supervise également son équipe.
 
Le docteur discute avec des patientsLorsque Oleh rencontre un nouveau patient ou une nouvelle patiente, il s’enquiert de son bien-être et de son sommeil. Les réponses à des questions toutes simples en disent long sur l’expérience de chacun. Oleh insiste sur l’importance de ressentir de la tristesse et affirme qu’il s’inquiète presque plus des gens trop optimistes que de ceux qui vivent du chagrin. La réadaptation mentale consiste d’abord à ressentir de telles émotions et à reconnaître les difficultés.
 
Sofiya Nevoyt, l’une des psychothérapeutes de l’hôpital, mentionne que la situation est d’autant plus éprouvante pour les patientes et patients hospitalisés depuis longtemps. Passer autant de temps (parfois plusieurs mois) à l’hôpital peut s’avérer démoralisant, surtout lorsque la famille n’est pas présente.
 
En plus d’offrir du soutien aux personnes hospitalisées, l’équipe assure la prestation de services en consultation externe. Le programme comprend la thérapie par la parole, la thérapie par l’art et la thérapie corporelle. Khrystyna Ruda, responsable de l’équipe interdisciplinaire de psychothérapeutes, précise que la thérapie corporelle (ou psychosomatique) est souvent utilisée pour traiter les anciens prisonniers et prisonnières de guerre. Après ce qu’elles ont vécu, ces personnes ont tendance à ne pas se sentir en sécurité dans leur propre corps. Ce genre de thérapie peut les aider à remédier à cette impression.
 
Les psychothérapeutes sont parfois secoués par les sujets difficiles abordés lors des séances. Sofiya raconte qu’à son entrée en fonction, elle a ressenti le besoin d’obtenir de l’aide, car « on reçoit des confidences témoignant de moments très éprouvants dans la vie [des gens] ». Les membres de l’équipe se soutiennent mutuellement. Sofiya estime qu’il est utile de prendre des moyens pour décrocher complètement à la fin de la journée.
 
Le conflit continue d’avoir un impact considérable sur la santé mentale des gens. C’est pourquoi le travail de l’équipe d’Oleh est si important. En priorisant la santé mentale en amont, l’équipe espère pouvoir atténuer certaines des conséquences à long terme du conflit. Bon nombre des patients et patientes devront parcourir un long chemin pour se rétablir, mais, grâce à la prise en charge simultanée de la réadaptation mentale, Oleh et son équipe espèrent aider ces patients et patientes à se rétablir complètement.
 
Pour en savoir plus sur l’intervention de la Croix-Rouge en réponse à la crise humanitaire en Ukraine, veuillez cliquer ici.

Crédit photos: Croix-Rouge ukrainienne

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