Le pouvoir régénérateur du sport

Par Aldis Brennan, Croix-Rouge canadienne
 
L’une des premières choses qu’on remarque quand on rencontre Joe Higgins, c’est que tout l’intéresse! Cet enthousiasme sans borne l’a bien servi tout au long de ses 35 années comme entraîneur de basketball en fauteuil roulant.
 
Joe Higgins porte des lunettes et une cravate rouge tout en souriant de profilIl a entraîné toutes sortes de joueurs et de joueuses, des novices aux athlètes de l’équipe canadienne. C’est son énergie débordante qui m’a convaincue de me joindre à une séance d’entraînement virtuelle qu’il avait organisée pour un groupe d’athlètes qui se trouvaient au Cambodge, composé de certaines des meilleures joueuses de l’Asie et de l’entraîneur de l’équipe de basketball féminine en fauteuil roulant du Cambodge!
 
La séance d’entraînement virtuelle — qui m’a fait suer à grosses goutes! – n’est pas la méthode privilégiée par Joe. En temps normal, il se rendrait au Bangladesh, au Myanmar, en Inde ou au Cambodge pour entraîner les joueurs et les joueuses et leurs entraîneur(e)s en personne.
 
Joe participe à un programme du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) visant à se servir du sport comme outil pour favoriser l’inclusion sociale et changer les perceptions sociétales auxquelles sont confrontées les personnes vivant avec des handicaps dans des pays touchés par des conflits. C’est une aventure qui a commencé il y a trois ans et demi quand il a fait la connaissance de Jess Markt, conseillère en matière de handicap et d’inclusion par le sport au sein du CICR lors d’un tournoi en Thaïlande.
 
Tout au long du tournoi, Jess a pu constater la facilité de Joe à établir des relations positives avec ses joueurs et joueuses, ce qui l’a amenée à lui demander s’il aimerait entraîner des joueurs et joueuses handicapés dans des pays ayant vécu des conflits. Une fois le tournoi terminé, ils ont discuté autour d’un repas, à la fin duquel Joe a accepté de se rendre en Inde.

« J’utilise rarement le mot “inspirant” quand je parle de sport ou du basketball en fauteuil roulant, parce que cela fait partie de mon quotidien, raconte Joe. Mais quand je suis arrivé en Inde, j’ai été impressionné par ces personnes qui faisaient tout en leur pouvoir pour jouer au basket. Cela a été une expérience unique. »

Avant la première séance d’entraînement, Joe craignait que la communication soit un problème. Mais au contraire, l’expérience, qui s’est avérée très enrichissante, l’a forcé à repousser ses limites et à trouver de nouvelles façons d’enseigner et de communiquer. Et comme d’habitude, son enthousiasme contagieux a pris soin du reste!
 
« J’ai eu le privilège d’entraîner une équipe au Cambodge en vue d’un tournoi pendant un mois. C’était vraiment intéressant, parce que j’ai dû revoir mes méthodes d’enseignement, explique-t-il. Je me suis demandé comment je pouvais donner des instructions à quelqu’un qui ne parle pas la même langue que moi. Eh bien, c’est simple, en leur montrant ce que je voulais, et en jouant au basketball! À la fin du mois, nous parlions tous la même langue. On parlait le basket! »
 
Des personnes en chaise roulante font des étirements sur un terrain de basketballLa beauté intemporelle du sport, c’est qu’il est rassembleur — même dans un contexte de compétition féroce. Il crée des liens entre les coéquipiers et leur donne un objectif commun, peu importe ce qui les sépare à l’extérieur du terrain. L’important, c’est de repousser ses limites physiques, quoi qu’elles soient.

« Les joueurs et joueuses de basketball en fauteuil roulant font partie d’une grande famille. Peu importe si notre limitation découle d’une fracture du dos ou du cou, ou d’une maladie comme la paralysie cérébrale, la polio ou le spina bifida, nous devons tous trouver nos propres moyens d’atteindre nos objectifs, ce qui fait une énorme différence à la fin d’une partie, peu importe si on la gagne ou non, explique Joe. Cela ne veut pas dire que je ne veux pas gagner ou que je ne suis pas super compétitif, au contraire, mais au bout du compte, mon handicap me force à mettre en perspective ce qui est important pour moi pour atteindre un équilibre satisfaisant dans ma vie.
 
En tant qu’entraîneur, ma récompense est de voir mes joueurs et joueuses s’améliorer, de voir la joie sur leur visage quand ils maitrisent une nouvelle technique ou surmontent la frustration envers un corps qui ne veut pas toujours coopérer comme ils le voudraient. Outre ces difficultés, mes athlètes doivent composer quotidiennement avec les préjugés de leur société — qui les considère souvent comme inférieurs — afin de faire valoir leurs réussites.
 
J’aimerais que le sport aide les gens à arrêter de voir nos limites pour enfin réaliser de quoi nous sommes capables. Le sport m’a toujours permis de me réaliser, et j’aimerais qu’il puisse en faire de même pour les personnes partout dans le monde qui sont confrontées à des obstacles encore plus grands que ceux auxquels j’ai dû faire face, et qui sont considérées comme inférieures ou impossibles à employer, explique Joe, parce qu’elles sont plus qu’employables! Ce sont des êtres humains extraordinaires qui possèdent des compétences précieuses, notamment en résolution de problèmes. Autrement, comment pensez-vous qu’ils réussiraient à accomplir tout ce qu’ils font? »
 
Une conférence téléphonique entre Joe Higgins et des collaborateursQuand la pandémie a brutalement interrompu tous les vols, Joe a dû passer en mode résolution de problème et faire preuve de créativité pour continuer ses activités. Il était demeuré en contact avec plusieurs personnes avec qui il avait travaillé par le passé un peu partout dans le monde, et avait déjà donné quelques formations en mode virtuel à partir de la Colombie-Britannique, où il habite. Pourquoi pas, alors, continuer d’entraîner ses équipes à distance? Ça ne pouvait pas être si difficile que ça!
 
« En fait, ça s’est avéré assez facile, raconte Joe. Nous nous sommes adaptés et leur avons montré comment bricoler un ergomètre et utiliser des bandes de résistance. Nous pouvions enseigner aux personnes qui avaient une caméra en leur montrant quoi faire, et corriger la technique de celles qui nous envoyaient des vidéos. Pour ce qui est de la communication, nous avons eu l’aide d’interprètes. »
 
Pendant ma séance d’entraînement virtuelle, Joe a commencé par un échauffement consistant à pousser frénétiquement les roues de nos fauteuils (j’ai fait le mouvement depuis mon fauteuil imaginaire…) au son de la chanson de Paul Simon Me and Julio Down by the Schoolyard. Quand est venu le moment de passer aux mouvements plus techniques, je me suis surprise à le regarder plus souvent que les autres participants. Ce n’est pas lui qui dirige les exercices, car il préfère l’apprentissage par l’exemple. Il intervient rarement, sauf pour encourager les participants et les participantes ou pour suggérer des améliorations, mais il ne les lâche pas du regard jusqu’à ce que la technique en question soit acquise. C’est là qu’il pousse un « YEAH! » retentissant.
 
Depuis ma séance d’entraînement virtuelle, Joe et Jess ont continué à travailler d’arrache-pied pour développer le programme et en étendre la portée. Il comprend maintenant des athlètes de l’Éthiopie, du Népal et de l’Afghanistan, entre autres, et devrait être offert dans d’autres pays au cours des années à venir.
 
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