En souvenir du Japon

Par Kathy Mueller, Croix-Rouge canadienne
 
Il y a maintenant dix ans, le 11 mars 2011, un séisme de magnitude 9 secouait le Japon et provoquait un tsunami dévastateur sur l’ensemble du bassin Pacifique du pays. Des villes et des villages sur 70 km de la côte pacifique ont été détruits, en totalité ou en partie, et des pannes de courant ont touché la centrale nucléaire de Fukushima et causé un accident nucléaire. Plus de 15 000 personnes ont perdu la vie à la suite de la catastrophe.
 
Kathy Mueller, une travailleuse humanitaire pour la Croix-Rouge canadienne, a été déployée au Japon pour appuyer l’intervention humanitaire immédiate de la Croix-Rouge japonaise en aide aux victimes du tsunami. Voici son histoire.

 Une femme de dos constate l'étendue des débris.
J’ai travaillé dans différentes régions ravagées par des tremblements de terre, des tsunamis et des inondations, mais rien de comparable à ce que j’ai vu en arrivant au Japon. La dévastation était indescriptible. Partout où je regardais, des maisons avaient été rasées, arrachées de leurs fondations, renversées ou incendiées.
 
Les chemins de fer avaient été arrachés de leurs fondations et tordus. D’énormes murs de soutènement en béton avaient été brisés en morceaux. La puanteur des incendies collait dans l’air bien après qu’ils ont été éteints. Des piles de débris hautes de plusieurs mètres bordant les routes étaient dégagées par l’armée japonaise afin de permettre aux intervenants d’urgence, comme le personnel de la Croix-Rouge, d’accéder plus facilement aux zones sinistrées.
 Des maisons détruites et des débris qui recouvrent les rues.
Je ne me souviens pas du nombre de répliques que j’ai ressenties, mais une m’a particulièrement marquée. Je partageais une chambre d’hôtel avec deux collègues de la Croix-Rouge japonaise et nous venions tout juste de nous endormir quand le bâtiment s’est mis à trembler violemment, pendant ce qui a semblé une éternité. Du plâtre se détachait des murs, il n’y avait plus de courant et les lumières d’urgence s’étaient allumées. Je me suis réfugiée avec mes collègues dans la toute petite salle de bain de notre chambre jusqu’à ce qu’un employé de l’hôtel vienne nous chercher pour aller rejoindre les autres résidents de l’hôtel dans le lobby. Par la suite, j’ai appris que cette secousse avait atteint 7,6 sur l’échelle de Richter.
 Un petit garçon japonais avec un chandail orange et bleu regarde la caméra.
Mais même s’il m’est impossible d’oublier ces images de dévastation, ce qui m’a la plus marquée de cette mission sont les personnes que j’ai rencontrées et qui resteront toujours dans mon cœur.

Je repense à Yoshii Suzuki, âgé de 73 ans à l’époque, qui m’a raconté en détail comment la vague du premier tsunami l’avait emporté dans la mer et comment, alors qu’il luttait pour reprendre son souffle, la deuxième vague l’avait ramené vers la terre ferme et projeté sur le toit d’une maison. En tant que pêcheur, il s’était déjà sorti de justesse de situations périlleuses, mais cette expérience fut de loin la plus effrayante.
Une famille japonaise assise sur un divan regarde la caméra.
Koya (à gauche) doit maintenant être âgé de 18 ans. Alors qu’il n’avait que 8 ans, il m’a dit très sérieusement qu’il avait de la difficulté à dormir dans le centre d’évacuation où il était hébergé avec sa famille parce que de vieux monsieurs ronflaient très fort. Koya rêvait de devenir un grand chef de sushis ou un coureur automobile afin de gagner beaucoup d’argent et s’acheter une nouvelle maison.

Je me souviens aussi de Kimie Yamada, une enseignante à l’école primaire de Rikuzentakata, qui a conduit ses élèves dans les collines afin qu’ils soient en sécurité. Alors qu’ils gravissaient les collines, Kimie et ses élèves ont croisé une vieille femme qui ne pouvait pas marcher. Kimie l’a donc prise sur son dos pour l’amener en lieu sûr. L’enseignante et ses deux jeunes filles ont été les premières à recevoir l’une des maisons préfabriquées construites par le gouvernement. Celles-ci étaient équipées de six électroménagers qui ont pu être achetés grâce aux dons des Sociétés nationales de la Croix-Rouge du monde, dont la Croix-Rouge canadienne. Kimie m’avait chuchoté à l’oreille que les dons versés par les Canadiens lui permettraient d’offrir un vrai foyer à ses deux filles. Ayane, la cadette des fillettes, avait très hâte que sa mère y cuisine son plat préféré — la lasagne!
 Kathy Mueller, une grande femme blonde de la Croix-Rouge, sourit à la caméra avec deux enfants japonais.
J’ai cependant créé mes liens les plus forts avec les membres de la famille Matsuhashi (à droite). Au moment de notre rencontre, ils avaient trouvé refuge dans un temple vieux de 360 ans qui, contre toute attente, avait été épargné par le tsunami alors que tous les bâtiments autour de lui, y compris la maison des Matsuhashi, avaient été détruits. Ils étaient gentils, chaleureux et généreux. Masayuki, âgé de 7 ans à l’époque, m’a montré comment faire des avions en papier et sa sœur Mizuki, qui avait 12 ans, m’avait offert une grue en origami que j’ai conservée précieusement. Au Japon, la grue symbolise la chance et la longévité, et j’ai vu de longues guirlandes de grues accrochées par les survivants dans plusieurs des centres d’évacuation que j’ai visités.
 
Dans ce type de travail, il est extrêmement rare d’avoir l’occasion de revoir des personnes croisées dans le cadre d’opérations d’urgence majeures, mais c’est quelque chose qui m’est arrivé avec la famille Matsuhashi.
 
Un an après le tsunami, la Croix-Rouge japonaise m’a invitée à revenir au Japon, et j’ai immédiatement demandé s’il serait possible de visiter la famille Matsuhashi. Je me souviens de notre réunion comme si c’était hier. La famille habitait dans une maison préfabriquée. Satomi et ses enfants (à gauche) sont arrivés d’un côté de la maison alors que j’arrivais de l’autre. Quand nous nous sommes aperçus, nous avons immédiatement commencé à courir les uns vers les autres, les bras grands ouverts, prêts pour un gros câlin. Ils m’ont invitée à prendre le thé à l’intérieur et nous avons discuté et partagé quelques histoires. 
 Une bénévole de la Croix-Rouge japonaise parle avec un jeune enfant devant une fenêtre.
Mais l’histoire ne se termine pas là. Au fil des années, j’ai reçu régulièrement des nouvelles de la famille. J’ai appris que Mizuki, maintenant âgée de 22 ans, avait décidé de devenir infirmière après avoir été témoin du soutien apporté par le personnel infirmier de la Croix-Rouge aux victimes du tsunami. Elle a récemment réussi ses examens finaux et espère commencer sa carrière dans une ville près d’Otsuchi, qui se trouve à proximité de la maison familiale, dans la préfecture d’Iwate. Dans un récent courriel, elle m’a raconté que ses parents ont fait construire une nouvelle maison et que la ville fourmille d’activités.

Voici pourquoi on devient travailleur humanitaire : pour former des relations et des amitiés, même si celles-ci ne sont que passagères.

Je suis demeurée au Japon trois semaines. J’y ai rencontré plusieurs personnes qui m’ont impressionné par leur force, leur grâce et leur résilience. Des personnes qui comprennent la souffrance et qui n’avaient aucun doute qu’elles pourraient se relever de cette épreuve et rebâtir leur vie. Alors que je me préparais à partir, j’ai entendu des bébés pleurer et des enfants rire et jouer. Les cerisiers commençaient à fleurir. Des grues d’origami s’élevaient dans le ciel. Tous des signes que la vie reprenait son cours et que l’avenir était plein d’espoir.

Grâce à la générosité de la population, des entreprises et des gouvernements au niveau local et provincial du Canada, la Croix-Rouge canadienne a amassé plus de 48 millions de dollars en soutien aux opérations de secours menées par la Croix-Rouge du Japon pour venir en aide aux victimes du tsunami. Ces fonds ont été utilisés pour répondre aux besoins immédiats des sinistrés et appuyer leurs efforts de rétablissement à long terme. Ces activités comprenaient : la reconstruction de maisons; le soutien médical, y compris la reconstruction d’hôpitaux; le soutien à l’éducation, y compris la reconstruction d’écoles maternelles et de gymnase; la préparation aux urgences, qui comprenait le réapprovisionnement en fournitures de secours des entrepôts de la Croix-Rouge.
 

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