Le quotidien d’Amr à Gaza : une histoire de conciliation entre famille, travail et survie

Par Angela Hill, déléguée spécialisée en communications de la Croix-Rouge canadienne

Pour la majorité des gens à Gaza, l’avenir est plus incertain que jamais.

Après plus de 100 jours, même les membres du personnel bénévole et rémunéré de la Société du Croissant-Rouge palestinien peinent à savoir comment protéger leurs proches et déterminer ce qu’il faut faire maintenant. 

« J’en parlais justement à certaines personnes qui se réfugient dans le bâtiment de la Société, » explique Amr, agent des médias de la Société du Croissant-Rouge palestinien, qui communique avec nous depuis Gaza au moyen de la messagerie WhatsApp. 

A man stands in front of a trailer with a Canon camera in hand.
Amr Ali, agent des médias à la Société du Croissant-Rouge palestinien, photographié à Gaza.
Crédit photo : Croissant-Rouge palestinien.

« Ces personnes me demandaient : que devons-nous faire? Où devrions-nous aller et comment pouvons-nous protéger nos enfants? Je ne savais pas quoi leur répondre, car je me pose les mêmes questions. » Tout le monde à Gaza est touché. 

Chaque jour, Amr se réveille en songeant qu’il doit trouver pour ses proches et lui-même de la nourriture, de l’eau potable et de l’eau propre pour le bain. Ensuite, il rejoint l’équipe de la Société du Croissant-Rouge palestinien, dont il documente les activités, notamment les interventions d’urgence et les distributions de nourriture, d’eau et d’articles de secours. Son travail a pour objectif de faire connaître les souffrances de la population de Gaza et de transmettre les histoires qu’il recueille auprès du personnel et des personnes déplacées qui sont hébergées au siège du Croissant-Rouge palestinien. Il entend parler d’évacuations, de déplacements, de blessures et de pertes. 

« Ma mémoire est chargée d’histoires tragiques et de toutes ces scènes auxquelles j’assiste lors de nos interventions auprès des personnes blessées ou décédées et de leurs familles. Ces scènes ne s’effaceront jamais de ma mémoire. Elles demeurent la cause de mes insomnies. Je crains que mes proches ne subissent le même sort. »

Des amis lui ont raconté qu’ils avaient marché pendant des heures, de la ville de Gaza vers le sud de la bande de Gaza, que des explosions se produisaient à proximité et qu’ils avaient dû rebrousser chemin lors de leur première tentative.

« Sa sœur était terrifiée; elle parvenait difficilement à bouger. Il a dû l’aider à marcher tout en aidant ses trois jeunes enfants, » raconte Amr au sujet d’un ami. Toute la famille a fini par arriver à destination.

Amr a également quitté le nord avec sa famille. Il habite actuellement chez son frère avec 30 autres personnes. La situation se détériore et de nombreuses personnes vivant avec lui sont en train de tomber malades. Il ignore ce qui est advenu de sa maison. Aux dernières nouvelles, une photo la montrait partiellement endommagée. Malgré l’incertitude qui plane, il poursuit son travail avec la Société. 

Les bombardements sont continus, et tout le monde est à bout de nerfs dans la maison. 

« Le problème, ce sont les enfants. Ils ont peur et ne savent pas ce qui se passe exactement, ni pourquoi, détaille Amr. J’essaie de les divertir avec des jouets et je change ma voix pour les distraire. »

La famille se demande maintenant si elle doit rester à Khan Yunis ou se déplacer à nouveau, cette fois-là, à Rafah, où elle ne connaît personne et n’a nulle part où aller.

« Il y a quelques jours, pendant la nuit, mon enfant m’a demandé de lui préparer un sandwich parce qu’il était affamé. Je n’ai rien pu lui offrir parce que nous n’avons ni farine, ni pain, ni biscuits pour les nourrir, » déclare-t-il.

« Je me sens comme un père inutile qui ne parvient pas à offrir à son fils chéri les choses les plus simples. »

La situation d’Amr se répète dans toutes les maisons de Gaza, alors que la nourriture et l’eau se raréfient et que les infections se multiplient. Les combats incessants laissent les familles dans l’incertitude quant aux prochaines étapes. 

Le personnel bénévole et rémunéré de la Société du Croissant-Rouge palestinien prodigue des services médicaux dans les hôpitaux et dans les postes médicaux avancés, en plus d’offrir des services d’ambulance, de diffuser des messages sur la santé publique et de proposer du soutien psychosocial aux personnes à Gaza. De plus, les équipes assurent la coordination de la réception et de la distribution de l’aide essentielle, procurant de la nourriture, de l’eau, des médicaments et d’autres articles de secours aux personnes dans le besoin. Elles accomplissent ces tâches tout en s’inquiétant de la souffrance de leurs proches et en vivant elles-mêmes dans ces conditions extrêmement difficiles.

*Mise à jour (22 janvier 2024) : Depuis l’écriture de ces lignes en décembre 2023, à la recherche d’un endroit plus sécuritaire pour les protéger, Amr a de nouveau déplacé sa famille, y compris ses parents et la famille de son frère. Ses proches vivent maintenant dans une tente près de la plage, malgré des températures quasi glaciales. Quant à lui, il continue d’habiter la maison et souhaite poursuivre son travail aussi longtemps que possible malgré les hostilités qui perdurent.

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