Notre collègue Lise Anne Pierce, gestionnaire, Préparation aux catastrophes, à Victoria en Colombie-Britannique, s’est récemment rendue en Allemagne afin de soutenir les efforts de la Croix‑Rouge allemande en réponse à la crise des réfugiés.
Aziq et sa femme, accompagnés de leurs deux enfants d’âge scolaire et de leur bébé de six mois, ont quitté la Syrie et se sont rendus en Allemagne par voie terrestre, en quête de protection et de sécurité. Ils ont été parmi les premiers réfugiés à arriver à l’un des camps transitoires mis sur pied par la Croix‑Rouge allemande, c’est-à-dire les camps où les réfugiés s’enregistrent et soumettent une demande d’asile s’ils ont l’intention de demeurer en Allemagne. Après avoir rempli ces formalités, les réfugiés ont la possibilité de se rendre par eux-mêmes ailleurs en Allemagne ou de se diriger vers l’un des 300 camps de plus petite taille établis un peu partout au pays. Ce camp transitoire, appelé Feldkirchen, peut accueillir jusqu’à 5 000 réfugiés dans des tentes, bien qu’il n’héberge actuellement qu’environ 1 000 résidants par jour en raison du taux élevé de roulement.
J’ai été déployée pour une courte mission avec une petite équipe de Canadiens représentant la Croix‑Rouge canadienne. Notre travail consistait à soutenir les efforts de la Croix‑Rouge allemande liés à cette crise humanitaire. J’étais affectée à ce camp et c’est là que j’ai connu Aziq, qui, parlant bien anglais, s’était improvisé interprète pour les autres réfugiés. Un jour, Aziq, d’ordinaire enjoué et sociable, m’a paru préoccupé.
Quelqu’un, semble-t-il, lui avait dit que les réfugiés ne pouvaient pas quitter les camps, ce qui était faux. Et le frère d’Aziq, qui avait immigré 11 ans plus tôt à Francfort, en Allemagne, espérait trouver son frère parmi les milliers de réfugiés qui arrivaient en Allemagne chaque jour. En route vers l’Allemagne, Aziq avait envoyé un message au moyen de l’application
WhatsApp à son frère pour lui dire qu’il se dirigeait vers ce camp.
Lorsqu’il a reçu ce message, le frère d’Aziq s’est rendu de Francfort à Feldkirchen en auto et s’est posté à la clôture, loin à l’entrée du camp, dans l’espoir d’apercevoir le frère qu’il n’avait pas vu depuis plus de dix ans.
Lorsque notre équipe a entendu cette histoire, nous avons offert à Aziq de le conduire, lui et sa famille, à l’entrée principale du camp, à deux kilomètres d’où ils se trouvaient, au cas où son frère l’y attendrait toujours.
Alors que nous approchions de l’entrée, Aziq a commencé à crier « C’est lui! C’est lui! ». Il s’est avéré que la voiture rouge stationnée à l’entrée que j’avais vaguement remarquée plus tôt appartenait au frère d’Aziq, lequel attendait à cet endroit depuis deux jours. Me joignant aux larmes – de joie et de soulagement – des uns et des autres, j’ai alors assisté aux retrouvailles d’Aziq et de sa famille avec ce frère. Même l’agent de sécurité posté à la barrière de l’entrée, qui avait émigré de Serbie des années plus tôt, a versé des larmes de compassion.
Pendant que les deux frères, tout animés, rattrapaient le temps perdu, je suis tranquillement retournée au travail, consciente qu’Aziq et sa famille allaient quitter le camp et qu’il s’agissait là de la dernière fois que je le voyais.
Toutefois, quelques heures plus tard, j’ai entendu la voix d’Aziq derrière moi. Il m’a dit qu’il ne pouvait pas partir sans venir me remercier « du fond de son cœur ». Cela m’a tellement émue! Il m’a raconté qu’il s’était enregistré auprès du gouvernement allemand afin d’amorcer son processus de demande d’asile, et qu’il irait vivre avec sa famille et son frère à Francfort pour commencer une nouvelle vie.
Pendant ma mission de deux semaines, il y avait énormément à faire. Les journées ne semblaient jamais assez longues, et nous avons autant connu les frustrations que les réussites. Mais c’est ce moment en particulier que je garde en tête. Je ne l’oublierai jamais.
Les Canadiens peuvent faire un don pour appuyer les efforts humanitaires déployés en réponse à la crise des réfugiés.