La « nouvelle normalité » de banda Aceh

Note : Le fonds suivant est maintenant clos. Vous pouvez appuyer notre travail régulier en faisant un don à la Croix-Rouge canadienne.

 

par Linda Redwood-Campbell, déléguée, Santé, de la Croix-Rouge

Nous sommes vendredi soir, mais cela n’a pas beaucoup d’importance car la routine ne varie presque jamais à l’hôpital de campagne de Banda Aceh où je suis déléguée, Santé, de la Croix-Rouge canadienne.  

Nous venons de dîner. Quatre cuisiniers indonésiens, qui étaient propriétaires de restaurants, travaillent pour nous étant donné que leurs entreprises ont été détruites. La nourriture est excellente. Il s’agit d’une cuisine indonésienne traditionnelle : nasi goring, poulet, beaucoup de légumes et pour les amateurs de fruits de mer, poissons, calmars et crevettes. La nourriture est vraiment le fait saillant de la journée.

La vie revient-elle à la normale après le tsunami? Bonne question à laquelle je dois répondre oui et non. On a rouvert le marché de Banda Aceh, mais dans un endroit différent. Hier, nous avons eu la chance de passer une heure au marché. On y a trouvé beaucoup de légumes frais, de piments de Cayenne, de carottes et de légumes verts, mais apparemment la sélection n’est plus la même.

Il y avait des vêtements à vendre, mais les prix ont gonflé depuis le tsunami. À travers la ville, on retrouve beaucoup de tentes pour les personnes déplacées. J’ai remarqué qu’on a dégagé certains endroits pour y construire des ensembles résidentiels.

Ces maisons abriteront les personnes qui ont perdu leur domicile. Le long des rues achalandées, j’ai remarqué un terrain vague d’une dizaine de mètres entre deux bâtiments. C’eut été anodin si le chauffeur n’avait pas dit : « misgaves, misgaves ». Notre interprète nous a dit : « Il veut dire “mass graves’’ (fosses communes) ». Je suis restée silencieuse.

Les personnes déplacées se cherchent des emplois. Beaucoup ont perdu leur travail, leurs commerces et leur matériel. L’un de nos interprètes, un jeune homme de 24 ans, a perdu sa femme, sa fille âgée de 2 ans, son père, un oncle, sa maison et son magasin. Bref, il a tout perdu. Il trouve quand même le moyen de venir nous aider en faisant de la traduction. Sa vie est-elle revenue à la normale? La « nouvelle normalité » peut-être. « Inshallah », dit-il.

Nous avons été secoués par un autre séisme hier. Nous pourrions être obligés de déplacer légèrement l’hôpital pour l’éloigner du stade endommagé. Maintenant, les gens sont effrayés par les séismes. Ici, le tsunami a frappé entre 20 et 30 minutes après le tremblement de terre.

Maintenant, à chaque séisme, les gens se ruent à l’extérieur des édifices en criant. Certains tremblent de peur. Un homme assis sur un banc tremble et pleure tandis que l’angoisse et la peine lui reviennent à l’esprit. Il est inconsolable. Peut-être que le temps pourra l’aider.

Au point de vue médical, nous avons amorcé une transition depuis le tsunami. Nous traitons moins de cas de tétanos et de pneumonies par déglutition, bien que nous soignions encore des blessures subies lors du tsunami et qui n’ont jamais été traitées.

Les gens utilisent le sinistre comme point de référence de leurs symptômes. Ainsi, nous voyons encore beaucoup de blessures très infectées, d’infections cutanées et de fractures non traitées. Certaines personnes arrivent enfin dans des régions où l’on fournit des soins médicaux.

Nous traitons aussi des cas très rares et avancés que nous ne verrions jamais au Canada. Nous pratiquons des chirurgies sur des personnes qui auraient dû être opérées à la naissance. Ces personnes vivaient avec un handicap et il s’agissait de leur seul espoir. Les personnes sont transportées par hélicoptères vers notre hôpital composé de tentes. C’est leur dernière chance pour retrouver la santé. Nous prenons tout cela pour acquis au Canada.

Beaucoup d’autres organisations internationales de soins de santé quittent le terrain, ce qui exerce une pression supplémentaire sur la Croix-Rouge qui doit fournir davantage de soins. L’hôpital régional local est en piteux état et beaucoup de groupes internationaux qui y travaillent se préparent à s’en aller.

Dans l’ensemble, c’est une période de transition à Banda Aceh. Cette transition permettra aux blessures de guérir, mais certaines blessures ne guériront jamais.