Reportages en zones de conflits : Des journalistes racontent leurs expériences

En novembre, la Croix-Rouge canadienne a organisé une conférence intitulée Aux premières lignes, en partenariat avec Journalists for Human Rights (Journalistes pour les droits de la personne). Cette conférence avait pour but de parler aux étudiants en journalisme de l’importance du droit international humanitaire (DIL) pendant les reportages en zones de conflits, et de leur offrir la possibilité d’entendre les témoignages de journalistes ayant vécu une expérience concrète sur le terrain.
 
Au cours de nos deux tables rondes intitulées « Reportages en zones de conflits » et « Reportages au Moyen-Orient », les journalistes Ray Homer, Lisa LaFlamme, Laura Lynch, Grant McDonald, Zein Almoghraby, Sylvène Gilchrist et Tara Sutton nous ont décrit leurs expériences de travail dans certaines des régions les plus dangereuses du monde.
 
Ray Homer, ancien réalisateur en chef d’ABC, Zein Almoghraby, gestionnaire principale de programmes pour Journalistes pour les droits de la personne et Laura Lynch, journaliste pour l’émission The National de la CBC, ont gracieusement accepté de répondre à nos questions.
 
Quel rôle jouent les nouvelles technologies et les médias sociaux dans vos reportages?
 
Ray : Je dirais que leur principal impact est la vitesse à laquelle les nouvelles se répandent dans le monde, notamment les fausses nouvelles et les nouvelles non vérifiées, qui constituent un sujet de préoccupation majeur pour les journalistes.
 
Zein : Les reportages non vérifiés publiés sur les médias sociaux ont entraîné de sérieux problèmes, en particulier dans les zones de conflits ou les sociétés fragiles. Il est important de garder à l’esprit deux éléments clés lorsqu’on prend connaissance de l’information publiée sur les médias sociaux :
 
1. La crédibilité de la source. Cette source est-elle habituellement à l’origine de renseignements fiables sur divers événements?
2. La crédibilité de l’information. Une vidéo ou un article contiennent plusieurs éléments dont la véracité et la logique peuvent être facilement vérifiées. Un journaliste doit toujours s’assurer de bien connaître le pays dans lequel il travaille afin de pouvoir vérifier plus facilement ce type d’information. Je recommande également de travailler en étroite collaboration avec des journalistes locaux et des militants des droits civiques qui peuvent constituer de nouvelles sources d’information.
 
Y a-t-il eu des cas de violation du DIH par les pays occidentaux pendant vos reportages à l’étranger? Si oui, comment avez-vous couvert le sujet?
 
Ray : Oui, tout à fait, il y a eu des cas de violation du DIH. Pour couvrir ce type de sujet, il faut obtenir la version des présumés coupables pour établir les faits et les responsabilités. Il faut également se rendre, dans la mesure du possible, sur les lieux où la violation a eu lieu pour obtenir des renseignements de première main, parler à des témoins et obtenir des documents ou des preuves visuelles.
 
Zein : Oui. Il était très clair pour les reporters syriens qu’ils ne devaient en aucun cas pratiquer l’autocensure s’ils étaient certains de la fiabilité de l’information et pouvaient la présenter de façon exacte et professionnelle. Le mandat de Journalistes pour les droits de la personne est de donner aux journalistes du monde entier les moyens de mieux couvrir l’actualité. Si la liberté des journalistes est restreinte, il n’y a pas d’avenir pour les droits de la personne.
 
Comment faites-vous pour travailler dans des endroits aussi dangereux pendant de longues périodes? Comment faites-vous pour prendre soin de votre propre bien-être à long terme?
 
Zein : La question de la santé mentale est un enjeu majeur pour les journalistes qui travaillent dans les zones de conflits.
 
Être le témoin des horreurs commises pendant les conflits ou rapporter ces événements laisse des traces indélébiles dans la mémoire d’un journaliste. Les journalistes internationaux peuvent également ressentir de la culpabilité, notamment lorsqu’ils travaillent étroitement avec des journalistes locaux qui éprouvent des difficultés à nourrir ou à loger leur famille, car ce sont des défis quotidiens auxquels ils ne sont pas confrontés.
 
Pour régler ce problème, nous nous efforçons d’offrir du soutien à nos journalistes par l’entremise de réseaux et de groupes spécialement créés à cet effet. J’ai remarqué que la principale difficulté dans ce type de situation est de se débarrasser de l’image du reporter intrépide et téméraire, tant chez les hommes que chez femmes. Les journalistes, et plus particulièrement les journalistes internationaux qui sont aux premières lignes des zones de conflits, sont peu enclins à exprimer leurs sentiments et à parler de ce qu’ils vivent. Il faut donc travailler sur les deux aspects du problème : l’aspect culturel, qui ne peut être réglé que par le journaliste, et la difficulté de faire comprendre l’importance de prendre soin de sa santé mentale sur le terrain.
 
La création de groupes de soutien composés de pairs et l’ouverture du dialogue à ce sujet est un grand pas dans la résolution d’un problème crucial. Ces initiatives mettent cependant en lumière l’ampleur du défi à l’échelle locale et internationale.
 
Ray : Il faut savoir planifier, faire des recherches, et écouter les conseils de personnes-ressources locales fiables et de collègues plus expérimentés.
 
Il faut se renseigner sur le pays, y compris son histoire, sa culture et sa géographie et connaître la situation qui y prévaut lorsque l’on est sur place.
Il faut élaborer un plan de sécurité et être constamment conscient de son environnement, connaître un refuge sécuritaire, avoir une stratégie d’évacuation, communiquer régulièrement avec les autres pour leur indiquer nos faits et gestes et avoir des véhicules fiables pour les déplacements.
Il est également nécessaire de connaître l’état de santé et le groupe sanguin des membres de l’équipe, avoir des notions de secourisme, connaître l’emplacement des établissements de santé et être à jour dans ses vaccins.
La famille et les amis doivent également être informés du lieu où vous conservez vos documents personnels, votre testament et vos documents d’assurance.
 
Laura : Très honnêtement, je ne suis pas souvent aux premières lignes, mais j’ai passé beaucoup de temps dans des endroits dangereux. Dans une certaine mesure, il faut faire preuve de fatalisme pour éviter de se sentir dépassé par les événements. Il faut prendre toutes les précautions possibles et faire confiance à sa formation et à son expérience. Et surtout, il faut prendre des vacances aussi souvent que possible, lire des romans de fiction qui n’ont aucun lien avec le pays dans lequel on se trouve, rédiger un journal ou encore faire de l’exercice ou de la méditation.
 
Vous pouvez voir la discussion des membres du panel en cliquant ici. (en anglais seulement)

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