« Tous les médecins et infirmiers que j’ai rencontrés en Haïti ont eux-mêmes survécu à l’ouragan »

Au lendemain du violent ouragan Matthew qui a balayé Haïti le 4 octobre 2016, la Croix-Rouge haïtienne ainsi que d’autres partenaires de la Croix-Rouge ont déployé des employés et des bénévoles dans les communautés les plus durement touchées, afin d’évaluer les besoins et de prêter main-forte aux sinistrés. Dre Lynda Redwood-Campbell, déléguée de la Croix-Rouge canadienne, faisait partie de l’une des premières équipes de la Fédération internationale à se rendre dans les villages dévastés pour évaluer l’état des lieux. La déléguée a joué un rôle pivot dans l’intervention sanitaire qui a suivi la catastrophe, en collaboration avec le ministère de la Santé d’Haïti, la Croix-Rouge haïtienne ainsi que d’autres organismes. Voici quelques-unes de ses observations :

Q. Où vous trouviez-vous quand l’ouragan a frappé Haïti?
R. J’étais chez moi au Canada, en train de surveiller l’évolution de la tempête. Je n’ai pas dormi la nuit où j’ai vu l’ouragan fondre sur Haïti. Je me suis dit : « Encore un coup dur pour Haïti. Ce petit pays, le plus pauvre de l’hémisphère occidental, se fait encore frapper par une catastrophe qui balaiera tout sur son passage.  »
 
Q. À votre arrivée dans les régions touchées par l’ouragan, qu’avez-vous vu?
R. Des villages et des localités dévastés tout le long de la côte ouest, et une population en détresse. Plusieurs régions étaient inaccessibles en raison des dommages causés par la tempête, alors nous devions nous déplacer en hélicoptère, en bateau ou à pied pour rejoindre certains endroits. Nous étions souvent les premiers arrivés sur place. Ainsi, tout en effectuant nos évaluations des cliniques et des infrastructures, nous remettions des articles de secours, des abris prêts à monter ainsi que des articles hygiéniques à des sinistrés très reconnaissants.
 
L’ouragan avait semé la destruction et la désolation. Aucun arbre fruitier, aucune maison en vue sur des kilomètres à la ronde. L’ouragan a réduit à néant les moyens de subsistance, les sources d’alimentation et l’essence même des habitants de cette région.
 
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Dre Lynda Redwood-Campbell évalue l’état des maisons et des cliniques avec l’équipe de la Fédération internationale, quelques jours après le passage de l’ouragan Matthew en Haïti. Photo : Fédération internationale
 
Q.  Dans quel état se trouvaient les hôpitaux?
R.  Nous avons vu des hôpitaux et des centres de traitement du choléra complètement débordés. Hélas, la plupart de ces installations peinaient déjà à prodiguer des soins bien avant l’ouragan. Après la tempête, le nombre de patients a décuplé, épuisant du même coup le personnel. L’un des hôpitaux manquait de pansements et de fournitures médicales, et le service de radiologie ne fonctionnait plus.
 
Je lève mon chapeau à tous ces professionnels de la santé qui ont refusé de baisser les bras, malgré les conditions de travail pénibles. Il ne faut surtout pas oublier que tout le monde a été touché par la catastrophe. Tous les médecins, infirmiers et presque tous les bénévoles de la Croix-Rouge haïtienne que j’ai rencontrés ont eux-mêmes survécu à l’ouragan. Pourtant, tous se rendent au travail chaque jour afin de venir en aide aux autres, même s’ils n’ont nulle part où vivre, voire plus rien à manger. Je salue leur courage.
 
Q. Après l’ouragan, quels défis attendaient les équipes médicales?
A. Les cas de choléra et de tétanos ont augmenté. Sans vaccins, les gens peuvent mourir du tétanos et de septicémie. Tandis que les enfants souffrent surtout de problèmes respiratoires et de diarrhées. En raison des cliniques décimées et des besoins criants, le gouvernement d’Haïti a proposé de dépêcher des cliniques mobiles en attendant la remise en service des établissements de santé. Ainsi, avec le soutien du gouvernement du Canada, la Croix-Rouge a rapidement déployé une clinique mobile pour se rendre dans les communautés les plus isolées.

Q.  Vous n’êtes pas une nouvelle venue en matière d’interventions. Vous en avez vu bien d’autres, y compris le séisme de 2010 en Haïti. Comment peut-on comparer les deux?
R. En effet, j’étais avec la Croix-Rouge en Indonésie après le tsunami, ainsi qu’au Pakistan, en Haïti et au Népal à la suite des terribles tremblements de terre. Aussi, j’ai été déployée aux Philippines il y a quelques années, après le passage d’un cyclone. Bref, ces catastrophes représentaient toutes un véritable défi, dans des contextes néanmoins bien distincts.
 
Le séisme de 2010 en Haïti a dévasté la capitale et causé de nombreux décès. Complètement immobilisée, Port-au-Prince manquait cruellement de ressources et de personnel pour intervenir efficacement. Par contre, cette catastrophe touchait un endroit précis, alors que l’ouragan Matthew a semé la destruction partout : dans le sud-ouest, le nord et le nord-ouest de l’île, dans des communautés éloignées et isolées. Par exemple, beaucoup de gens dans les collines ont toujours besoin de notre aide.

Du point de vue des équipes médicales étrangères, c’est également bien différent. En 2010, il n’existait pas de registre officiel pour les équipes médicales étrangères. Ainsi, un flot de personnel médical qualifié et non qualifié débarquait là-bas pêle-mêle, et rendait la coordination bien difficile. Depuis, l’Organisation mondiale de la santé a établi un processus d’enregistrement et de contrôle de la qualité, qui détermine les aptitudes et les capacités de chaque équipe. Le résultat? En cas de sinistre, les gouvernements concernés peuvent maintenant choisir le type de soutien dont ils ont besoin pour leurs établissements de santé. Cela permet de maximiser l’efficacité des équipes médicales étrangères.
 
Q. Votre mandat est terminé là-bas, et vous êtes de retour au Canada. Qu’est-ce qui vous inquiète le plus maintenant?
R. J’ai peur que les donateurs se lassent, et finissent par abandonner tout espoir pour Haïti. Chaque fois qu’une catastrophe frappe là-bas, le développement stoppe net. Il faut continuer à soutenir Haïti, et s’assurer que les Haïtiens qui font une différence reçoivent l’aide qu’il leur faut. Je le répète à mes étudiants en médecine, aux résidents et à quiconque me parle de mes expériences : « Regardez dans les yeux ces survivants qui luttent pour s’en sortir; vous comprendrez pourquoi le monde ne peut abandonner Haïti ».
 
Lynda Redwood Campbell est professeure de médecine familiale à l’Université McMaster de Hamilton, en Ontario, ainsi que membre dûment formée de l’Équipe d'évaluation et de coordination sur le terrain de la Fédération internationale. Dre Redwood Campbell est également une déléguée chevronnée spécialisée en intervention d’urgence de la Croix-Rouge canadienne.
 
Les Canadiens peuvent faire un don afin de soutenir la mission de la Croix-Rouge auprès des personnes touchées par l’ouragan.
 

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