La tragédie de Madaya montre l’urgence de trouver une solution politique en Syrie

Sujets: Moyen-Orient et Afrique du Nord, Situations d'urgence et catastrophes dans le monde, Droit international humanitaire
Conrad Sauvé | 12 janvier 2016

Lettre d’opinion de Conrad Sauvé, président et chef de la direction de la Croix-Rouge canadienne


              Un convoi d'aide humanitaire arrive à Madaya.
                      CC BY-NC-ND / ICRC/ P. Krzysiek
Une fois de plus, le monde a été ébranlé par des images de souffrances extrêmes montrant des enfants squelettiques et affamés qui viendraient de Madaya, en Syrie. La ville de Madaya est située à 25 kilomètres de Damas, près de l’autoroute principale reliant cette dernière à Beyrouth, une route très fréquentée, notamment  par les travailleurs humanitaires.
 
En empruntant cette route, j’ai vu de mes propres yeux la souffrance éprouvée par les Syriens issus de toutes les couches de la société. Et nul ne peut rester indifférent devant les images bouleversantes qui ont circulé dans les derniers jours.
 
En octobre dernier, nos collègues du Comité international de la Croix-Rouge, du Croissant-Rouge arabe syrien et d’autres organismes humanitaires ont été en mesure de prêter assistance aux habitants de Madaya. À ce moment-là, 40 000 personnes étaient privées de nourriture, d’eau, d’électricité, de médicaments et d’accès à des soins médicaux.
 
On pouvait lire la faim et le désespoir dans le regard des gens. Nous avons vu des mères incapables d’allaiter leur nouveau-né parce qu’elles souffraient de carences alimentaires. Face à cette situation, la Croix-Rouge et les Nations Unies leur ont offert suffisamment de vivres, de médicaments et de fournitures médicales pour assurer leur subsistance pendant deux mois.
 
La tragédie de Madaya nous rappelle brutalement qu’un demi-million de personnes vivent dans des régions assiégées ou reculées en Syrie. En tant qu’acteurs humanitaires, notre priorité consiste à venir en aide le plus rapidement possible aux résidents des villes assiégées de Madaya, de Zabadani, de Foua et de Kefraya afin d’éviter que cette situation humanitaire alarmante ne s’aggrave. 
 
Il importe également de se rappeler que même les guerres ont des limites. Certaines règles énoncées dans les Conventions de Genève interdisent de priver les civils d’un accès aux vivres et aux articles permettant d’assurer leur survie. Ces règles empêchent également les attaques dirigées contre les travailleurs humanitaires.
 
Toutefois, malgré l’existence de règles claires, la prestation d’aide aux populations touchées par ce conflit s’est avérée très dangereuse. En effet, depuis le début du conflit, plus de 55 travailleurs humanitaires du Croissant-Rouge ont perdu la vie alors qu’ils portaient secours aux personnes dans le besoin.
 
La Croix‑Rouge demande à toutes les parties au conflit de respecter le droit humanitaire international et d’accorder aux organismes humanitaires un accès régulier, sécuritaire et sans encombre à l’ensemble du territoire syrien afin que les personnes vulnérables puissent recevoir une aide vitale. Cette aide représente souvent le seul espoir de survie des personnes plongées dans les affres de la guerre.
 
Cependant, l’aide humanitaire ne parviendra pas seule à freiner l’exode des réfugiés ni à mettre fin au conflit. La prestation d’aide ponctuelle aux habitants des régions assiégées n’est pas une solution durable.
 
Alors que les travaux parlementaires reprendront à la fin du mois, nous exhortons tous les partis politiques à maintenir leur engagement de subvenir aux besoins humanitaires de la population en Syrie ainsi qu’à travailler conjointement à la recherche de solutions politiques et diplomatiques. Certes, le Canada peut jouer un rôle pour résoudre ce conflit.      
 
Conrad Sauvé
Président et chef de la direction de la Croix-Rouge canadienne
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